[Samuel N'Kanol] Papa, assieds toi faut qu'j'te parle...

Cela faisait déjà quelques jours que Samuel était parti à la recherche de son père. Le mercato était arrivé au bon moment, laissant quelques jours libres à Samuel. Il avait pû retourné voir les policiers qui avaient emmené son père après leur rencontre. Ces derniers l'avaient envoyé dans un autre comissériat, qui l'avait transferé dans un autre centre du coin. En trois ans de vie à Saint-Etienne, jamais Samuel n'aurait pû imaginer qu'il y ait autant de centre de police dans la ville ! Mais coûte que coûte, il était prêt à rentrer et à interroger tous les policiers qu'il puisse croiser pour pouvoir retrouver les traces de son père. Sam' avait besoin de lui parler, mais comment parler à une personne qu'on ne retrouve pas ?

Après être entré dans un énième commisériat, montrant aux policiers la seule photo qu'il avait sur lui, un policier la lui a arraché des mains et courant vers un de ses collègue s'est exclamé :
"Mariesalope ! Bernard regard'ça ! C'est pas le gars à moitié fou qu'on a eu lui ? T'sé, celui qui disait qu'il avait un fils qui jouait à Sainté et tout ?!
- Le négro qu'on sentait à cinq mètres ? Qui a empesté la cellule et rendu malade Jean-Mich ? P't'être bin que ouais !
- On l'a fait sortir hein ? J'me rappelle plus bin...
- Mais si ! Même qu'en sortant, i nous a dit : J'revindyai avé mon fissss !
- Ah oui dame ! J'avais djà oublié ! J'vais l'dire au gamin alors !"

Le policier revint devant Sam' et lui annonca la nouvelle. Samuel le remercia, reprit sa photo et sortit du comissériat.

*Mon père est donc seul, dans la nature, dans un pays qu'il ne connait pas ? Et tout ça, à cause de moi. Je ne pourrais jamais le retrouver seul, Sainté est bien trop grand...*

Une idée vint alors à Samuel. Il courut tout d'abord chez un opérateur de téléphonie et s'y acheta un portable, avec un forfait. Le plus simple qu'il ait pû trouver. Puis il rentra chez lui et, prenant une pile de feuille vierge, commenca à créer des affiches.

Après à peine une heure et demi de travail intensif, une quarantaine d'affiches venait d'être fabriqué, deux heures supplémentaires auront suffit pour que les murs de Saint-Etienne s'imprégnent de ces affiches :


Samuel n'avait plus qu'à continuer de fouiller la ville, portable en mains, veillant chaque vibration de ce dernier.

28 appels, 129 SMS et 4 MMS, voici le bilan des recherches de Samuel au bout d'une petite semaine. Sur ces derniers, 28 appels, 129 SMS et 4 MMS provenaient de personnes qui ne voulait que joindre Samuel pour voir si le numéro laissé était bien celui du jeune gardien Stéphanois. Autant dire que les recherches de Samuel n'avaient pas beaucoup avancé, voir pas du tout. Plus le temps passé, plus l'espoir de retrouver son père dans un état quelque peu acceptable diminuait. Seul, sans abri, sans argent... Combien de temps pourrait-il survivre ?

Tous les matins, Samuel se levait à 6h pour arpenter les rues, et ne revenait à son domicile que les douze coups de minuit sonnés. Bien sûr que la fatigue commençait à se faire sentir, mais retrouver un être cher n'a pas de prix, retrouver un père encore moins.

Un midi, aux alentours de 13h30, le téléphone de Samuel sonna pour la 29ème fois. Samuel décrocha, priant de ne pas attendre encore une fois une de ces insensées personnes qui l'harcellent chaque jour.

"Oui allô j'écoute.
- Monsieur N'Kanol ?
- Oui c'est moi-même.
- Le CHU de Saint-Etienne à l'appareil. Nous avons besoin de vous rencontrer. Un corps correspondant à la description faites sur l'une de vos affiches est dans nos services.
- Comment... ?
- Pouvez-vous vous rendez au CHU dans les plus brefs délais ?
- Oui j'arrive."

Deux stations de métro plus loin et Samuel était face au CHU, grand bâtiment à architecture moderne. Une fois s'être présenté à l'accueil, il fût transferé dans un second bâtiment où le directeur en personne l'accueillit.

"Bonjour Monsieur N'Kanol, honorez de vous rencontrer.
- Bonjour...
- Il y a deux jours, les pompiers nous ont ammené un sans-abri, n'ayant vraisemsablement pas mangé ni bu depuis quelques temps. Lors de son arrivée, il était inconscient.
- Et aujourd'hui ?
- Il est dans le coma, nous faisons tout notre possible pour l'en extraire.
- Je peux le voir ?
- Suivez-moi."

Le directeur emmena Samuel à l'opposé du bureau devant la porte d'une des multiples chambres. Là, il fit entrer Samuel et le laissa seul quelques temps.

Samuel s'avança vers le corps, d'un pas incertain. Arrivé à sa hauteur, il le regarda dans les yeux et détourna le regard. Puis pris la main de l'homme...
"Papa... Tu m'entends ? Je sais que tu m'entends...
C'est moi, Samuelle, ta fille. Oui ta fille. Car c'est toi qui a toujours voulu me faire passer pour un garçon. Tu avais honte d'avoir une fille comme premier enfant. Aujourd'hui j'ai besoin, et toi aussi, de faire face à la vérité..."
Il se tût un instant et reprit.
"J'ai rencontré un garçon formidable qui, que je sois homme ou femme, m'aime. Je suis sûre que tu l'aimerai bien. Il faudra que vous fassiez connaissance."

Une larme coula le long de la joue de Samuel.
"Papa, tu vas t'en sortir. Je le sais. Tu es un homme fort... N'est-ce pas ? On a perdu trop de temps pour en perdre à nouveau. J'ai besoin de t'avoir à mes côtés, de partager des choses de la vie avec toi.
Je t'aime Papa, ta fille t'aime Papa."

Samuel déposa un baiser sur le front de son père, et se dirigea vers la porte. Avant de sortir de la pièce, il se retourna une dernière fois.

Il se tourna vers le directeur.
"C'est bien lui. C'est bien mon père... Merci..."

Et, sans se retourner cette fois-ci, Samuel se dirigea vers la sortie de l'hopital et rentra chez lui.