[KHADER YEV] Grenoble Foot 38, l'air frais de la montagne

Les premiers pas de Khader Yev dans sa nouvelle vie grenobloise ressemblaient à ceux de tous les footballeurs récemment transférés : paperasse, signature de licence, conférence de présentation, rendez-vous chez le tailleur de l'équipementier pour commander les maillots, shorts, chaussettes et coquilles pour la nouvelle saison, visite de plusieurs quartiers de la ville pour voir où poser sa caravanne.... Rien qui ne fasse vibrer Khader plus que ça, à vrai dire. Lui, ce qu'il voulait, c'était commencer à jouer au foot le plus vite possible. D'une part, parce que c'était son métier en plus d'être sa passion. D'autre part, parce que ça lui permettrait de remplir ses journées autrement qu'en amenant Wahiba faire la tournée des Foot Locker de la ville à la recherche des nouvelles Air Max édition limitée dédicacées par Sniper. Car mine, de rien, ce dernier point avait meublé chaque journée de Khader Yev depuis son arrivée en terre dauphinoise, ça plus prendre Wahiba entre 5 et 6 fois par jour dans tous les recoins de la caravanne, ce qui, il est vrai, était quand même plus marrant. D'où l'attente impatiente de Khader Yev en vue du premier jour de mise au vert en stage de pré-saison avec tout l'effectif, et le staff.

Le coach Mécha avait fixé le rendez-vous à 7h30 sur le parking du stade des Alpes. Il est comme ça coach Mécha, probablement parce qu'il a été mobilisé pendant la guerre de Bosnie - enfin, d'après ses dires, reste à prouver qu'il était pas planqué au milieu de terrain d'un club français de D2 - et que c'est un dur qui applique une discipline de fer. Mais Khader avait tellement hâte de commencer les hostilités qu'il s'était pointé à 6h45, à l'heure où il fait encore nuit.

Ce qui permit à Khader Yev de se familiariser avec les moeurs de sa nouvelle ville d'accueil. Et visiblement, le parking du Stade des Alpes était un haut-lieu du sexe en voiture, vitres embuées, voiture qui bouge dans tous les sens, et gémissements de plaisir, les samedis soirs après la sortie de boîte. Evidemment, si coach Mécha donne rendez-vous le dimanche matin à cette heure-là et que t'arrives en avance, tu peux encore profiter du spectacle....

A vrai dire, Khader était un peu embarrassé. Non pas qu'il ait voulu participer, car il était rassasié avec Wahiba - enfin, pour le moment. C'était un peu comme aller au marché avec son panier à courses rempli à ras bord. Pas une voiture ne semblait être garée là sans buée, gémissements, et mouvements latéraux... Ce qui était marrant c'était la variété des gémissements émis : il y avait les courts et répétés, les longs et lancinants, les discrets, les extravagants... Jusqu'à ce que, après plusieurs dizaines de minutes, leurs auteures sortent du véhicule tout ébouriffée et satisfaite. D'ailleurs, au bout de quelques minutes, Khader Yev trouva même un nouveau jeu pour meubler son temps d'attente : deviner quelle tête pouvait avoir chacun des gémissements. Il y avait la bourgeoise mal dévergondée, la libertine experte, la prostituée sénégalaise, la gamine en pleine découverte, la puéricultrice, la mère de famille adultère....

Khader Yev était en train de disserter sur les options que lui offraient les gémissements de la R5 rouge immatriculée dans le 31, garée en travers. Une poissonnière ? Une employée de banque ? Mamie Nova ? Il fut tiré de son intensif brain-storming par le coupable desdits gémissements, qui sortit par la portière conducteur du véhicule, la braguette ouverte et la chemise ouverte. C'était curieux, ce type, Khader Yev avait l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. Une tête de paysan ariégeois, un look de la night façon Couleur de la Culotte, pas de doute, c'était......

Spoiler:

"Khader Yev, c'est bien toi ?
- Euh oui....
- Nicolas Dieuze, boudu cong ! Ton nouveau coéquipier, ho ! Ho cong, je t'avais vu ta ganache dans les journaux, cong, mais j'étais pas sûr que c'était toi là, ho ! Bon, ça va bien ou quoi ? Oh, hé, escuse, hé, j'étais en traing de dégommer bibine, elle me dit qu'elle aime faire ça à la sauvage, ça lui rappelle quand elle était étudiante. Ho, bibine, vient dire bonjour....
- Euh... Bonjour....
- Madame Dieuze, enchanté.
- Ouais, du coup, on est pas en retard là pour le rendez-vous ? Ah non, c'est bon, on est à l'avance, cong. Bon, je t'invite à un pastaga en tant que doyen de l'équipe, cong ?
- Ah ! Avec plaisir, jamais je dis non à un pastaga.
- Bon, Bibine, tu nettois la caisse, cong, nous on sera en face en traing de s'envoyer un jone, cong."

Dieuze prit Khader Yev par l'épaule. Décidément, les gens étaient vraiment accueillants ici, ce qui réconfortait Khader dans son choix. S'imaginant déjà un repas entre couples, Dieuze, sa bibine, Wahiba et lui-même, Khader nageait en plein bohnheur. Quand soudain, une berline sombre sortit de nulle part, probablement de l'autre bout du parking, le bruit des pneus crissant sur l'asphalte humide de l'aube iséroise. Khader fut aveuglé par les phares du véhicule et n'eût pas le temps de voir que Dieuze l'empoigna par la ceinture et le plaqua sur le bord de la route, dans les plus pures règles de son Ovalie natale, pour éviter que tous deux ne se fassent renverser par le mystérieux chauffard....

7h30, Khader et Dieuze nettoyaient leur quatrième pastaga de la matinée au "Bar des Jap'", en face du stade des Alpes. Les deux compères avaient profité de l'occasion pour faire connaissance, échanger sur leurs familles, leurs parcours, leurs vies.... Jusqu'à ce que la Casio de Dieuze se mette à sonner violemment : c'était l'heure du rendez-vous fixé par coach Mécha. Et d'après Dieuze, avec coach Mécha, mieux vaut pas être à la bourre.

De retour sur le parking du Stade des Alpes, les deux amateurs de pastis retrouvèrent tous les membres de l'effectif et du staff qui avaient été convoqués. Dieuze en profita pour présenter Khader Yev à quelques-uns des plus anciens de l'effectif, jusqu'à ce qu'un petit homme frisé descendit du bus stationné non loin. Le bus en question était bleu et rose, avec un grand slogan imprimé sur son flanc : "Transports Alpins : la montagne, ça vous gagne". Khader se dit alors qu'il allait devoir apprendre à aimer l'altitude, pas comme Lassana Diarra... Le petit homme frisé avança jusqu'au centre du groupe qu'avaient formé joueurs et staffs et, muni d'un haut-parleur de policier, à la manière de ceux qu'utilisaient Starsky et Hutch.

"Messieurs, coach Mécha dire bonjour et bienvenue aux nouveaux. Coach Mécha content nouvelle saison commence à Grenoble. Mécha vouloir préparer saison comme si guerre de Bosnie. Et Mécha avoir expérience de guerre de Bosnie. Vous préparer comme commando. Coach Mécha vouloir vous escadrons de la mort. Tout le monde partir en stage dans montagne avec coach Mécha et coach Mécha diriger préparation militaire. Vous dormir dans tente, milieu prairie, vous avoir froid, avoir faim, mais vous prêts pour nouvelle saison. Mais avant ça, coach Mécha vouloir présenter les nouveaux. Ici, coach Mécha vouloir bizutage. Bizutage pas militaire, pas Guantanamo. Coach Mécha aimer bizutage façon Eurovision. Nouveaux venir se présenter et chanter dans haut-parleur chanson de leur pays."

C'était donc à ça que ressemblait coach Mécha, celui que Khader ne connaissait jusqu'à présent que par téléphone : un petit homme frisé, que la calvitie commençait à attaquer sévèrement, et pour qui le survêtement Errea était comme une seconde peau. Il ne ressemblait pas à grand-chose, mais Khader Yev dût bien admettre que dès le premier contact, il en imposait, le coach Mécha...

Il fut tiré de ses pensées par Dieuze, qui commençait à chanter : "Khader, Khader, vas-y cong, viens nous chanter quelque chose, cong !". Pas le choix, Khader Yev n'avait plus qu'à s'exécuter. Mais que chanter ? Coach Mécha voulait que chacun chante quelque chose de son pays d'origine, probablement pour que la mixité culturelle soude les relations à l'intérieur du groupe, et que chacun apprenne à mieux connaître son coéquipier. Très beau tout ça, mais en étant fils d'Egyptien et de Russe et ayant grandi à Séville, Khader ne savait pas trop sur quel pied danser... Quoiqu'il en soit, il saisit le haut-parleur que lui tendait coach Mécha, et après avoir décliné son identité, commença à entonner :


"Dale a tu cuerpo alegria Macarena
Que tu cuerpo es pa' darle alegria y cosa buena
Dale a tu cuerpo alegria, Macarena
Heeeeeeyyyyyyyyyyyy Macarenaaaaaaa

Macarena tiene un novio que se llama
Que se llama de apellido Victorino,
Que en la jura de bandera el muchacho

Se metio con dos amigos
Macarena tiene un novio que se llama
Que se llama de apellido Vitorino,
Y en la jura de bandera el muchacho
Se metio con dos amigos
Heeeeeeeeyyyyyyyyyyyyy Macarenaaaaaaa....."

L'assemblée fut conquise par la chanson de Khader, Dieuze avait même commencé à enlever sa chemise, et, heureusement pour le reste des présents, Khader arrêta de chanter alors que le capitaine grenoblois se défaisait la braguette. Un premier pas vers une intégration réussie.

Une fois assis dans le bus qui avait pris la route vers les versants inhabités des massifs alpins qui dominent la cité iséroise, là même où coach Mécha avait prévu de préparer ses hommes en vue de la saison à venir, Khader décida de somnoler un peu. Cela l'aiderait à supporter les virages en lacet typiques des routes de montagne.

Alors qu'il commençait à s'endormir, Khader fut réveillé par le bruit d'un survêtement frottant sur un siège en cuir. Il ouvrit l'oeil gauche et vit que coach Mécha venait de s'asseoir à ses côtés.

"Alors Khader Yev, comment aller intégration ? Toi content ? Toi voir, ici bonne ambiance. Sérieux, travail, souffrance, mais amitié. Important amitié pour coach Mécha.
- J'ai vu ça. Je sens que ça va me plaire cette ambiance. Honnêtement coach, depuis que je suis arrivé, tout va pour le mieux : j'ai trouvé un coin sympa où poser la caravanne, j'ai fait le tour de tous les Foot-Locker de la ville, j'ai fait connaissance avec Dieuze qui a l'air d'être un super mec... En fait il me manque plus qu'à manger une fondue et je pense que je serai complètement intégré. A vrai dire, y'a que ce matin, un conducteur avec une grosse voiture, qui a failli nous écraser à Dieuze et à moi, sur le parking du stade. Heureusement, Dieuze s'est rappelé de son éducation ovale et m'a fait un plaquage à faire passer Chabal pour une danseuse en tutu. Il m'a sauvé sur ce coup. Mais bon, vous savez, ça devait encore être un de ces beaufs qui sortait bourré de boîte et prenait le volant....
- ... Quelle couleur la voiture ?
- Quelle couleur ? Je sais pas sombre. Vitre teintées, j'ai pas pu voir la gueule du conducteur.
- Plaque immatriculation ?
- Ben j'sais pas, c'était une plaque étrangère, j'ai juste vu le sigle "SRB" parce que cette partie-là de la plaque d'immatriculation a failli me passer dessus.
- "SRB". "SRB" Serbie. Ecoute, toi discret sur ce sujet. Toi pas raconter à personne. Même pas Dieuze. Moi problèmes guerre de Bosnie. Moi être suivi, surveillé par services secrets de chien de Milosevic. Moi devoir être prudent. Et maintenant, toi aussi........"

Khader aurait cru à une mauvaise blague s'il n'avait pas vu la peur dans le regard de coach Mécha. Il ne pouvait pas y croire, à nouveau une sombre histoire d'intérêts géopolitiques secrets le poursuivait...

Le freinage brusque du bus sur des graviers réveilla Khader Yev du sommeil dans lequel il s'était plongé après sa conversation avec coach Mécha. Il faisait nuit et froid, à en juger par la buée sur les fenêtres du bus. Coach Mécha prit le micro et annonça que le cortège était arrivé à destination. Mais comment ce no man's land pouvait-il être la destination finale, si on était en pleine montagne, au milieu d'une prairie par laquelle on n'accède que par un vieux sentier escarpé pour les chèvres... Visiblement, Grenoble, c'est presque "més que un club" pensa Khader.

Coach Mécha demanda aux joueurs de se mettre par deux pour monter les tentes et aller chercher du bois. Dieuze invita son nouveau coéquipier à se joindre à lui.

"Hé ho cong, on est en binôme mais pas en couple, hein ! Et de toute façon, s'il faut le faire pour pas mourir de froid, c'est pas moi le passif, cong ! Hahahahahahahahaha ! Pas comme le joueur de Monaco, là...."

En un peu plus d'une demi-heure, le campement était monté. C'est fou comme c'est pratique une tente Quechua.... Et ceux qui avaient été chargés de la récolte du bois avaient pu allumer un feu qui réchaufferait le coeur, de l'Auvergnat, et des autres. Le repas allait être frugal, "comme à guerre" tel qu'avait prévenu coach Mécha : une demi-Knacki par personne. Maigre, d'autant qu'il fallait prendre des forces vu le programme de préparation physique que semblait avoir préparé le staff, même s'il ne l'avait pas encore annoncé aux joueurs, leur laissant la surprise de le découvrir au dernier moment. Tu parles d'une surprise, manquait plus que Marcel Béliveau...

Toujours est-il qu'après le repas frugal que les convives avaient partagé, l'extinction des feux fut décrétée par coach Mécha pour le plus grand bonheur de tous les joueurs, tous déjà assaillis par le sommeil au vu de la semaine d'efforts qui les attendait. Tous sauf Dieuze, qui dit à Khader Yev :

"Vas-y cong, Khader ! Allume la bouilloire et éteins la lumière, m'attends pas, j'ai amené un vieux numéro de Penthouse, je vais aller faire monter la sauce au colosse dans les champs, cong, je dors mieux comme ça après. Allez, cong, bonne nuit, on se voit demain".

L'esprit rugby, probablement. Toujours est-il que Khader, après s'être mis dans le sac de couchage, ne tarda pas à tomber dans un sommeil profond, comme juste après qu'il ait fait sa fête à Wahiba trois fois de suite.

"Quoi ? Où ? Tous aux abriiiiiiiis"

Khader venait d'être réveillé en sursaut, et eût le réflexe que lui avait enseigné sa mère : se mettre à l'abri en s'armant de ce qu'il avait sous la main, à savoir le réchau. Ce qui l'avait réveillé était une raffale de bruits sourds et soudains, qui avaient résonné dans le silence des Alpes d'une manière terrifiante. Khader ne connaissait que trop ce type de bruit, et n'eut aucun doute : c'était le bruit d'un AK47 tirant en raffale, comme celui que son propre père conservait de son époque dans les services secrets lybiens et qu'il sortait encore le dimanche, pour aller chasser le lièvre.
Autant dire, cela n'augurait rien de bon dans cet endroit si calme et sauvage. D'autant que Khader jeta un oeil sur le sac de couchage de Dieuze. Il n'y était pas.... Khader Yev n'eut pas le temps d'énumérer les circonstances éventuelles expliquant l'absence de son coéquipier qu'une seconde raffale de coups de feu retentit....

Armé du réchau, Khader décida finalement de saisir son courage à deux mains, et s'aventura prudemment à l'extérieur de sa tente. Juste en face de celle-ci se trouvait celle du staff. Et Khader put apercevoir que Coach Mécha avait eu la même réaction. Lui aussi s'avançait prudemment hors de sa tente, à la différence près qu'il était armé de toute autre chose : un énorme couteau de cuisine à faire pâlir ce bon vieux Dexter. Khader ne savait pas s'il fallait se sentir rassuré ou encore plus inquiet. Toujours est-il qu'il harangua son coach, en chuchotant bien entendu, afin de ne pas attirer l'attention d'éventuels intrus....

"Hép ! Hép ! Coach Mécha, vous faites quoi avec ce couteau ?
- Bah quoi ? Mécha devoir couper viande pour manger. Et couteau bon pour couper viande. Couteau découpé quatorze miliciens chiens de serbes pendant guerre Bosnie. Couteau efficace. Couteau bonne arme.
- Hép coach ! Vous croyez que c'était quoi ce bruit ?
- Mécha pas savoir. Mais ça sonner comme bruit AK47 pendant guerre. Toi sur tes gardes. Ca pas bon signe. Peut-être chiens de services secrets serbes revenus chercher Mécha. Mais Mécha pas se laisser faire. Mécha prêt mourir sous torture. Mécha rien concéder à chiens de serbes."

Khader n'eût pas le temps de se demander où il était tombé qu'un buisson, à une dizaine de mètres du campement frémit. Une sueur froide traversa le corps de Khader : il était clair que, qu'il s'agisse d'un agent secret serbe ou d'une marmotte, coach Mécha allait le découper en petits morceaux...

Quand soudain, la tête de Dieuze sortit du buisson, à la surprise de Khader et coach Mécha.

"Ouhhhh putainggggg désolé les maiques, cong, je te dis pas la nuit que je suis en train de passer cong, j'ai du manger un cassoulet rance ou un truque du genre, cong, parce que j'ai une chiasse d'enfer cong, ça fait deux heures que j'expulse sans pause, cong. Je crois que j'ai même fait un fleuve plus marron que le Gange, cong. Tiens, d'ailleurs, vous avez pas du papier, cong ?"

Khader poussa un long soupir. Plus de peur que de mal. Et tandis que Coach Mécha rentrait dans sa tente remettre le couteau à sa place, Khader partit chercher le Dauphiné Libéré du jour-même pour son coéquipier...

Lendemain matin. L'adjoint de coach Mécha passait au milieu du campement en tapant avec une cuillère sur le cul d'une casserole. Et ça, en pleine nature, ça fait du bruit. Khader se réveilla. Il jeta un oeil à sa montre Casio : 4h52 du matin. La pré-saison commençait bien...

Le survêt Duarig du club sur le dos, tout l'effectif était planté là, au milieu des marmottes, de la bruine matinale, du froid polaire alors qu'on était fin juin, et des bâillements généralisés.

"Vous devoir courir beaucoup pour gagner matches. Vous devoir être disciplinés comme miliciens bosniaques. Vous devoir être machine à tuer. Machine à tuer adversaires National. Vous devoir affronter nature. Vous devoir affronter physique. Vous devoir soulever montagnes. Ici Vercors. Vous voir cime au loin ? Ca massif du Chien qui chante parce que forme de chien qui chante. Vous être arrivés là-bas avant midi. Si pas arrivés à midi, vous rentrer Grenoble à pied en passant par Dunkerque. Ca gros détour, ça punition entraînement de miliciens bosniaques. Vous devoir courir distance jusqu'à massif du Chien qui chante. Vous devoir partir tout de suite, ça distance de 42 kilomètres. Vous devoir vous dépêcher si pas vouloir voir Dunkerque"

Ca c'était des méthodes d'entraînement, et alors que toute la troupe se mit en marche, Khader Yev consulta son nouveau grand ami Dieuze :

"Dis Nico', il est toujours comme ça le Coach Mécha ?
- Ouais cong, c'est pire qu'un sergent-instructeur, cong. On dirait Novès, cong. Cette année on a de la chance cong, l'an dernier, ceux qui avaient pas accompli le défi, il les avait fait rentrer à pied en passant par Sarajevo, cong ! Mais tu vas avoir, ce qui est bon, c'est qu'après ça, pendant la saison, cong, t'as pas besoin de piquouzes ni rien, t'as un physique d'enfer, cong !
- Ouais mais attends, 42 km en 8h, on va faire comment ?
- T'inquiètes, cong, j'ai un plan"

Le défi s'annonçait corsé. Il fallait arriver à temps au massif du Chien qui chante, sous peine de devoir rallier Grenoble à pied en passant par Dunkerque. Et entre le Vercors et Grenoble, Dunkerque c'est pas vraiment à mi-chemin... Avec un peu de chances, ceux qui n'arriveront pas à temps arriveront peut-être pour la dernière journée de la saison...

Heureusement qu'en bon capitaine, Dieuze avait un plan. Il connaissait un raccourci, visiblement.

"Béh ouais, c'est tout simple, cong, tu descends dans la vallée jusqu'à Poutre-aux-boeufs, le petit village en bah, là, cong. Ensuite, là, en bas, cong, tu te prends un petit vin chaud cong, comme en bas des pistes à Guzet-neige, cong. Tu te réchauffes la barrique cong, avec une bonne fondue, cong, et tu prends ensuite le téléphérique jusqu'en haut du massif du Chien qui chante, cong. C'est ce que fait le staff, et nous les plus anciens du club, cong. Les autres, c'est juste pour les faire marcher, cong, héhéhéhhé"


Amusant, en effet. Une fois arrivés à Poutre-aux-boeufs, on se dirigeait tous les deux vers la taverne : "L'alpiniste rougeaud" qui était visiblement le repère du GF38. En entrant dans la taverne, une fois les moon-boots enlevées, je pus constater que les dires de Dieuze étaient vérifiés en tout point : il y avait là Viviani, Robin, Courtois, Mainfroi et tous les autres "anciens" de l'effectif. Mainfroi était en train de chanter "Tomber la chemise" torse nu sur le bar, et il fut bientôt rejoint par Dieuze, pour qui l'hymne de Zebda rappelle fortement le pays. Visiblement la tournée de vin chaud avait commencé il y avait un petit moment.

J'allais m'asseoir à une table, dans un coin obscur de la taverne et commandai moi aussi ma ration de vin chaud, quand soudain on me tapa sur l'épaule... Je sursautai et regardai par dessus mon épaule. C'était Coach Mécha, assis non loin de là, avec tout son staff :

"Toi intelligent, petit. Moi content nouvelle recrue. Toi avoir fait bien devenir ami avec capitaine. Dieuze mec bien, et toi intelligent, toi apprendre vite. Jeunes besoins anciens, et toi déjà avoir compris ça, pas comme sales petits c*ns Benzema, Ben Arfa, Anelka, Nasri et compagnie. Moi content toi à Grenoble. Moi avoir fait bon choix.
- Merci coach Mécha, mais votre rite initiatique pour les nouveaux, c'est un peu compliqué non ?
- Non, ça normal, ça entraînement comme guerre Bosnie. En fait, moi juste faire marcher nouveaux. Nouveaux pas rentrer à pied en passant par Dunkerque. Enfin, si, juste nouveau joueur serbe à l'essai. Moi pas signer lui, mais dirigeants vouloir lui à l'essai. Moi pas aimer chiens-de-Serbe. Lui passer par Dunkerque, et en plus, pas signer contrat.
- Oui, mais même si vous les faites pas passer par Dunkerque, c'est quand même un sacré parcours là...
- Ca pas problème entraînement physique. Ca entraînement mental. Ca mesurer endurance dans tête des joueurs. Toi avoir démontré toi intelligent. Moi attendre ça des autres. Et en plus ça permettre maintenir mythe du club et légendes des montagnes.
- Légendes des montagnes ?
- Toi pas avoir entendu parler Yédoubés ?
- Yé quoi ?
- Yédoubés. Ca légende, mythe du club. Eux 3 joueurs du club, faire longtemps, pas savoir exactement quand. Eux monstres de la nature, eux allier physique et mental et eux capables de soulever montagnes, de courir sur tous sommets des Alpes... Et eux emmener Grenoble sommet football. Peut-être un jour toi nouveau Yédoubé de Grenoble"


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FIN